Arrimages, épisode 4 : La réussite éducative au Centre-du-Québec

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Notes d’épisode

(Enregistré à l’été 2022).

Pour suivre la TRÉCQ :

Musique par Coma-Media de Pixabay

Transcription

Arrimages s’inspire des grandes lignes du Programme de développement durable à l’horizon 2030 pour présenter des actions et des initiatives qui se déroulent au Centre-du-Québec. Le quatrième objectif du programme est « Éducation de qualité ». Une éducation de qualité est la clé de la prospérité sociale et du développement durable. Au Centre-du-Québec, nous souhaitons que les personnes de tous âges aient accès à l’éducation nécessaire pour atteindre leur plein potentiel. C’est pourquoi nous avons un organisme qui collabore au développement de projets répondant aux besoins régionaux de formation et de réussite éducative. Il s’agit de la Table régionale de l’éducation du Centre-du-Québec. Dans cet épisode, nous allons en apprendre plus sur son rôle et ses initiatives. Nous allons aussi discuter de ce qu’est la réussite éducative et des différents déterminants qui peuvent exercer une influence sur celle-ci.

[DÉBUT THÈME MUSICAL]

Bienvenue à Arrimages, la baladodiffusion du Comité régional en développement social du Centre-du-Québec. Mon nom est Audrey Michel et, à chaque épisode, je vais à la rencontre des gens et des organisations qui s’impliquent pour améliorer la qualité de vie de nos communautés.

Ensemble, explorons les dessous du développement social et son interconnexion avec le développement durable. De la concertation à l’action, découvrons ce qui se fait ici, au Centre-du-Québec.

[FIN DU THÈME MUSICAL]

Audrey Michel : Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Caroline Dion, qui est directrice générale à la Table régionale de l’éducation du Centre-du-Québec, ou plus communément appelée la TRÉCQ. Donc Bonjour Caroline, merci d’avoir accepté mon invitation.

Caroline Dion : Bonjour, Audrey, ça fait plaisir.

Audrey Michel : Aujourd’hui, on va parler de réussite éducative, entre autres, mais avant toute chose, j’aimerais savoir c’est quoi la TRÉCQ et quelle est votre mission ?

Caroline Dion : La TRÉCQ c’est un regroupement qui est composé, pour notre part là, des établissements d’enseignement présents au Centre-du-Québec, de tous les ordres d’enseignement ; c’est-à-dire autant des centres de services scolaires, les cégeps (autant public que privé), le regroupement des établissements privés, l’UQTR. Donc, c’est tous ceux qui ont des établissements d’enseignement au Centre-du-Québec qui sont membres de la TRÉCQ.

Mais au-delà de ça, c’est plus que ça la TRÉCQ, que l’éducation. La TRÉCQ, c’est aussi l’instance régionale de concertation en persévérance et en réussite éducative au Centre-du-Québec.

Ces instances-là, on les retrouve partout au Québec. Donc il y en a, me semble que c’est 19, dans chacune des régions plus le nord du Québec. On est 19 à se consacrer spécifiquement à la mobilisation sur la persévérance scolaire et la réussite éducative.

La mission précise de la TRÉCQ, au-delà de dire qu’on est une instance régionale de concertation en persévérance scolaire, c’est de participer au développement socio-économique de la région par le déploiement de projets qui répondent aux besoins de formation, mais aussi aux besoins de réussite éducative.

Plus clairement là, on s’adresse à 2 enjeux. Le premier étant qu’on souhaite mener à la diplomation du plus de jeunes et d’individus possible, hein, parce qu’on peut atteindre la diplomation aussi quand on est adulte et qu’on fait un retour aux études. Et aussi l’enjeu de la formation de la main-d’œuvre. On connaît le contexte actuel, il y a une très grande pénurie de main-d’œuvre, des grands besoins en main-d’œuvre. Donc ce que la TRÉCQ joue comme rôle dans cet enjeu-là, c’est vraiment de valoriser les professions pour lesquelles il y a des besoins de main-d’œuvre dans la région, pour les faire connaître aux jeunes et adultes en réorientation quant à leur choix de carrière. C’est de cette façon-là qu’on agit. Puis, comment on fait ça ? Ça, c’est hyper important parce que la TRÉCQ va pas agir directement auprès des jeunes, par exemple, et des adultes. Nous, on va toujours agir sur… je vais dire l’interface. C’est-à-dire les gens, les organisations qui travaillent ou qui s’adressent à des jeunes et des adultes qui sont en parcours de formation, qu’on veut intéresser à retourner aux études. Je donne un exemple. Tu sais que, nous, on va travailler, par exemple, avec les Carrefours jeunesse-emploi, les maisons de jeunes, les municipalités, qui eux ont des jeunes dans leur entourage ou même des familles aussi. Fait que c’est comme ça qu’on travaille.

Donc, malgré que la Table régionale de l’éducation est composée spécifiquement de gens de l’éducation, tout ce qu’on fait, on le fait de façon intersectorielle et notre action spécifique à nous, elle se situe autour de l’école. Donc on rassemble autour de l’école, autour de la réussite, autant la communauté, incluant le milieu municipal, les familles et le milieu de l’éducation. On est comme le liant parmi tout ça, puis une porte d’entrée pour l’éducation aussi, car on va faire des collaborations.

Audrey Michel : Merci pour ce portrait. Puis j’aime bien cette image que tu utilises de la TRÉCQ comme un liant. Je pense que ça exprime bien ce que vous faites. Tu l’as mentionné, un des enjeux sur lesquels vous vous mobilisez, c’est la réussite éducative. Est-ce que tu pourrais nous expliquer c’est quoi la réussite éducative ?

Caroline Dion : Je pourrais vous expliquer, c’est quoi la réussite éducative, mais je vais faire… Je vais vous expliquer une séquence ou quelques mots de vocabulaire qui vont nous permettre de situer cette démarche-là dans sa globalité.

Je parle de la réussite éducative, on peut parler d’abord de persévérance scolaire. Dans la persévérance scolaire, ce qu’on retrouve, c’est tous les efforts qu’on fait dans la poursuite d’un programme, d’un parcours, en vue d’une qualification. C’est-à-dire une reconnaissance, parce qu’on peut faire reconnaître les acquis pendant qu’on a développé sur le marché du travail, mais ça peut être une diplomation, une qualification. Donc c’est vraiment les efforts qu’on met pour arriver à un résultat qui est l’obtention d’un diplôme, une certification. Ça, c’est la persévérance scolaire.

Plus que ça, on peut parler de réussite scolaire. La réussite scolaire, c’est vraiment ce qui se passe dans le milieu de l’éducation. Donc c’est l’achèvement avec succès d’un parcours scolaire. Donc je réussis à avoir mon diplôme de secondaire 5, mon diplôme en formation professionnelle. Dans le fond, c’est l’obtention du papier académique qui confirme un rendement de performance, un résultat qui se qualifie avec un papier quelconque.

Et après ça, il y a la réussite éducative. Où là, on est beaucoup plus large dans la démarche. Où là, on vise le développement total et global des jeunes. Puis là, on parle au niveau du physique, intellectuel, affectif, social et moral (moral étant le côté spirituel). Dans le fond, on prend en compte toute l’implication de ceux qui gravitent autour d’un jeune. Donc on parle de la famille, la communauté, une équipe sportive c’est la même chose. Quand on est impliqué dans les activités culturelles sur une base régulière, toute l’implication qu’on va faire de notre vie, ce sont des gens et des organisations qui gravitent autour des jeunes et qui contribuent à définir globalement ou à faire en sorte qu’un jeune se développe. Et la réussite éducative, ça va au-delà de ce qu’on parlait tantôt, qui était la réussite scolaire du diplôme, puis de la qualification.

Ça touche l’apprentissage des valeurs. Ça touche les attitudes. Ça touche le sens des responsabilités. Et ça, ça vise à former des citoyens responsables. Des citoyens qui vont être prêts à jouer un rôle actif, autant sur le marché du travail, dans leur communauté, dans la société. Ça va aussi devenir des parents, peut-être un jour. Fait que c’est, la réussite éducative, un outil de développement du plein potentiel d’un individu pour favoriser, dans le fond, la plus grande implication sociale, personnelle et professionnelle. Dans le fonds, la personne soit épanouie.

Des fois, moi, je me plais à dire que… tu sais, on dit parfois que c’est tout au long de la vie, l’éducation. Moi je dirais : la réussite éducative, c’est tout au long et au large de la vie. Parce que là, on comprend que c’est de façon beaucoup plus globale que juste l’aspect scolaire qu’on entend dans un parcours, tu sais, c’est toutes les formations qu’on va faire dans notre vie. C’est tout le travail qu’on va faire sur soi aussi. C’est pour ça qu’on dit « tout au long de la vie », parce que c’est pas juste les jeunes. C’est aussi les adultes. Puis « au large », parce que c’est dans toutes les sphères qui nous occupent dans une vie.

Audrey Michel : C’est une très belle expression. J’aime ça « tout au long et tout au large de la vie ». Puis, de la façon que tu l’expliques — là, tu me corrigeras si je me trompe — j’ai un peu une image d’un entonnoir. De dire qu’on a la persévérance scolaire qui est les efforts qu’on va appliquer dans le parcours scolaire. Ensuite, on a la… les gens verront pas les gestes que je fais puisqu’on est à l’audio là, mais ensuite mon entonnoir descend et là j’ai la réussite scolaire où est-ce qu’on parle vraiment de l’obtention d’un diplôme quelconque. Et, ensuite de ça, découle de ça la réussite éducative qui la va au-delà de la persévérance scolaire et de la réussite scolaire.

Caroline Dion : C’est tout à fait ça. C’était mon intention. Tant mieux, tu as bien compris. [Rires.] C’était bien exprimé. Effectivement que c’est ça la séquence. C’est pour ça que j’ai pris la peine de le faire dans la séquence, parce que des fois on voit la réussite éducative comme quelque chose de scolaire, quelque chose qui se passe et qui est réservé à l’établissement scolaire, alors que c’est pas du tout le cas. Quand on comprend que, la réussite éducative, c’est un ensemble, c’est tous ceux qui gravitent autour du jeune et qui lui permettent d’atteindre son plein potentiel ; c’est là qu’on comprend que c’est beaucoup plus que la réussite dans le cadre scolaire. C’est pour ça que quand on travaille avec la TRÉCQ, on travaille pas dans le cadre scolaire. Mais, compte tenu notre structure, ça fait en sorte qu’on a un lien plus étroit et direct avec le réseau scolaire. Mais notre job, c’est vraiment de travailler à faire en sorte qu’autour de l’école, on contribue encore plus à la réussite éducative.

Audrey Michel : Super. C’est très intéressant de découvrir cet univers-là. J’ai une meilleure compréhension maintenant de ce que vous travaillez comme enjeux, qu’est-ce que ça touche, qu’est-ce que ça englobe… Puis, on a parlé de persévérance scolaire. Il y a une chose qu’on appelle les déterminants de la persévérance scolaire. Est-ce que tu pourrais nous expliquer c’est quoi ça ?

Caroline Dion : Tout à fait. Les déterminants, c’est le nom qu’on donne aux éléments sur lesquels on peut agir pour assurer un effet sur la persévérance scolaire. Si on se mettait à quantifier toutes les heures dans une journée — on sait qu’un enfant, ça finit par dormir, en tout cas l’espère qu’il dort des fois — il y a à peu près 75 % du temps de l’enfant qui se passe à l’extérieur de l’école. Donc c’est un chiffre qui est quand même important. On a l’impression que les jeunes sont souvent à l’école, mais quand tu comptes 24 h dans une journée, sur toute l’année, avec les vacances, tout ça, c’est à peu près 75 % du temps qui se passe autour de l’école. Donc les déterminants, ce sont les éléments sur lesquels on peut agir pour contribuer à la réussite éducative. Et je vais les expliquer sommairement. Tu vas comprendre où le 75 % prend du sens.

Il y a d’abord 4 groupes de facteurs. Je te nomme le premier : les facteurs scolaires. Les facteurs scolaires, c’est ceux qui se passent dans le milieu scolaire. Donc, c’est la relation entre un élève et son prof. Déjà, en partant, il l’aime-tu ou il l’aime pas ? Ça, ça fait une différence. C’est quoi le climat scolaire ? C’est quoi les pratiques pédagogiques ? C’est quoi les services qu’il y a en milieu scolaire ? Donc tout ça, ça fait en sorte de contribuer de façon très importante à la réussite d’un jeune. Mais nous, on laisse aux spécialistes le soin de s’occuper de ça. Il reste 3 autres classes de facteurs qui, eux, touchent au 75 % autour de l’école.

Il y a d’abord les facteurs personnels. C’est-à-dire l’individu lui-même, qu’est-ce qu’il a comme talent ? Je vais dire ça comme ça. Ça touche autant ses habiletés sociales, ça touche toutes ses capacités en rendement… je veux dire, ses capacités de lecture en mathématiques, tout ça, ça vient de lui. À l’école, on le développe, mais il a d’abord certaines capacités qui sont intrinsèques à l’individu : toute sa motivation à l’école, tout le développement des aspirations scolaires et professionnelles qui ça aussi va donner une motivation. Est-ce que ce jeune-là a un sentiment dépressif dans les derniers mois ? Dans les 2 dernières années avec la COVID, on a vu que la santé mentale était fortement atteinte, bien ça, c’est un facteur qui joue sur la réussite. C’est un déterminant. Donc il y a l’estime de soi aussi. Il y a toutes les saines habitudes de vie : l’alimentation, activité sportive. Donc c’est tout l’individu. Ça, ça vient de lui et ça peut se travailler chacun de ces facteurs-là.

Le 2e groupe de facteurs, c’est les facteurs familiaux. Donc c’est quoi la valeur qui est accordée à l’éducation dans la famille ? Puis, dans la pandémie, on l’a vu : il y avait une différence dans le traitement qui a été fait par certains parents l’encadrement dans l’enseignement à distance par exemple. Donc ceux qui ont valorisé l’éducation, qui ont encouragé, qui ont mis une structure, un encadrement en place, ont fort probablement contribué à garder d’abord la valeur de l’éducation, mais aussi à conserver une certaine réussite ou du moins pas de perte. Fait que ça, c’est des éléments importants. Puis, c’est quoi l’histoire, la relation que le parent a avec l’école ? Ça aussi ça joue. J’en profiterai peut-être pour préciser ici qu’un des facteurs qui est regardé par les établissements scolaires puis le ministère de l’Éducation — de la façon qu’ils vont quantifier les risques par rapport à un jeune — on appelle ça l’IMSE. Les lettres, c’est pas important ce que ça veut dire, mais cet indice-là définit le risque. Et là on donne une côte à une école qui est de 1 à 10. 10 étant celles qui sont les plus à risque de décrochage. Ça veut dire que, dans cette école-là, il y a un fort pourcentage d’enfants pour qui le parent, pour qui la mère a une faible diplomation ou n’a pas de diplomation. Et l’autre facteur, c’est le revenu. Donc on considère de façon très importante la scolarité de la mère pour définir si un jeune est à risque ou pas. C’est là que je veux t’amener. Donc, quand on parle de facteurs familiaux, la scolarité de la mère est hyper importante.

Je fais une parenthèse aussi sur la différence entre le décrochage des filles et le décrochage des garçons. Et après je te présenterai la 4e classe de facteur. La différence entre le décrochage des filles et des garçons — on sait là, si vous m’entendez parler tout le temps — il y a un décrochage beaucoup plus important chez les garçons que chez les filles. Notamment, le décrochage chez les filles a des conséquences sociales beaucoup plus grandes à cause de l’indice, qui a été démontré, qu’un enfant qui a une mère qui a une faible scolarité est plus à risque de décrocher. Mais, aussi, parce les mères, socioéconomiquement, ont souvent plus de difficultés à se trouver un emploi qu’un garçon qui a pas diplôme. Fait qu’on voit que l’impact c’est la mère beaucoup qui est là, présente dans l’éducation, mais, en plus, elle a une difficulté de se trouver un emploi bien rémunéré, idéalement en temps plein — parce qu’on le sait comment le service, c’est souvent ça. Fait que la conséquence sociale est plus grande chez les filles, bien que le décrochage est en nombre moins important. Mais, ça, faut pas l’oublier dans l’histoire.

Mon dernier groupe de facteurs, c’est les facteurs qui touchent la communauté. Donc, dans quel milieu il vit ? S’il vit dans un milieu défavorisé, on comprend que ça donne encore un effet supplémentaire de risque chez le jeune. Et quelles sont les ressources qui sont disponibles dans ce milieu-là ? Est-ce qu’il y a des organismes communautaires qui soutiennent, entre autres, la famille ? Y as-tu des maisons de jeunes ? C’est quoi les infrastructures sportives ? Si on veut qu’un jeune soit actif physiquement, dans mes facteurs personnels, est-ce qu’il y a en place… est-ce que la communauté, est-ce que le municipal met en place des infrastructures et des services ? Bibliothèques ? Donc, tous des services qui vont contribuer à travailler l’ensemble des déterminants. Et plus il y a de déterminants qui sont affectés, plus un jeune est à risque de décrocher. Ça veut pas dire qu’il va décrocher, mais ça veut dire qu’il y a un risque supplémentaire. Fait que s’il a des difficultés d’apprentissage, s’il vit dans un milieu défavorisé où il y a peu d’organismes qui soutiennent, puis qu’en plus son parent est une mère peu scolarisée ; bien à l’école, ils ont beaucoup de travail à faire. Ça veut dire que si, ensemble, on travaille à tous ces déterminants-là, en complément de ce qui se passe dans l’école, on favorise la chance de réussite à nos jeunes de la région.

Audrey Michel : Merci beaucoup pour ta réponse, Caroline. Puis, je me permets d’accrocher sur quelque chose que tu as dit, faire un petit aparté, parce que tu parlais des différences dans le décrochage scolaire chez les garçons et chez les filles, puis de l’impact aussi du fait d’avoir une mère qui n’a pas diplômé, les impacts sociaux que cela peut impliquer. Bien, le prochain épisode de la balado sera avec Francyne Ducharme de la Table de concertation du mouvement des femmes Centre-du-Québec et on va parler d’un outil qui s’appelle l’analyse différenciée selon les sexes qui s’appliquerait très bien dans l’exemple que tu viens de nous expliquer. Donc, je pense que si les auditrices et les auditeurs, ça leur a accroché leur oreille bien, je les invite à rester à l’affût du prochain épisode parce qu’on va aller explorer ça.

Et je trouve ça très intéressant les différents facteurs que tu nous as présentés. Je devance un petit peu, là, parce que je suis fo-folle de même aujourd’hui, je devance un petit peu mes questions, mais est-ce que tu peux nous donner des exemples concrets de projets où d’actions qui sont entreprises au centre du Québec pour encourager la réussite scolaire, excuse-moi, la réussite éducative ? Puis, sur quels de ces facteurs-là qu’on essaie de travailler avec ces actions ?

Caroline Dion : C’est intéressant que tu poses ta question tout de suite. Je ferai le lien avec, d’abord, le plus important des facteurs de réussite qu’on peut traiter autour de l’école. Pas le facteur de réussite, mais le déterminant le plus important, celui qui a le plus d’effets : c’est la lecture. Donc, plus on introduit la lecture jeune dans la vie d’un enfant, qu’on est en contact avec des livres… et la lecture de ce n’est pas que des livres là. À la TRÉCQ, on travaille fort sur, justement, la contamination pour que les gens soient le plus sensibilisé possible à l’importance de mettre la lecture… à lire des livres, à chanter des chansons, à faire ces exercices-là avec les petits et à maintenir ça tout au long de la vie. Leur vie scolaire du moins, parce qu’un moment donné, ça se développe, ça se maintient par l’individu lui-même. Donc on a la terre régionale de l’éducation, un gros chantier qu’on appelle « Lecture », « Littératie » plus précisément, qui est plus que la lecture. On va beaucoup plus loin en littératie qu’en lecture uniquement. Et dans ça, on travaille à la promotion de la lecture dès le jeune âge. Je suis convaincue que quand je vais le nommer, les gens vont faire : « Ah oui, on le connaît lui ! » Léo L’Escargot. Tous les enfants qui sont nés au Centre-du-Québec dans les 11 dernières années, on reçut lors de leur vaccination un livre de Léo L’Escargot. Il y a actuellement une collection de 3 livres qui sont remis aux parents à 3 moments précis. Soit la vaccination entre 0 et 2 ans, me semble entre 2 ans et 18 mois. Je me trompe peut-être de 6 mois. Donc, on remet un livre et le message lancé aux parents à ce moment-là, ce sont des rappels qu’on fait, c’est : « Introduisez la lecture. C’est un des facteurs les plus importants de la réussite de votre enfant. » Donc, nous, on travaille en bas âge comme ça.

Actuellement, on travaille pour la lecture à un autre défi qu’on appelle la glissade de l’été. La glissade de l’été, c’est le phénomène — ça a l’air bizarre, y a pas de piscine au bout de ça [rires] — mais la glissade de l’été, c’est tout le phénomène, qui entre le mois de juin et le mois de septembre, où un enfant termine l’école et va retourner à l’école au mois de septembre, au mois d’août. Bien, si y a pas aucune activité qui permet de brasser ses petites billes dans sa tête pour les garder actives — là je fais des images — il risque de perdre plusieurs des acquis qu’il y a eu pendant l’année. Tu sais, le fait de garder les neurones activés en faisant des activités de lecture, en faisant des ateliers de cuisine, en faisant toutes sortes d’activités qui vont permettre d’utiliser ce qu’il a appris, sans nécessairement que ce soit spécifiquement sur le sujet qui a été donné, bien, il y a plus de chances de retourner à l’école avec moins de petites billes, moins d’acquis dans son sac à dos. Fait que ça fait partie du travail imposant que, au retour de l’école, les profs doivent faire en rattrapage. Mais quand un enfant est à risque ou a des difficultés, une des façons d’en perdre le moins possible, c’est de continuer à faire de la lecture avec lui, faire des activités qui vont être permettre de garder les neurones activés pendant l’été. Fait qu’actuellement, on est en démarche avec le municipal, notamment, où on va intégrer dans plusieurs camps de jour des activités de lecture. On en a fait aussi, il y a des projets qui ont été déposés pour des organismes communautaires là. Notamment, en milieux où on a des clientèles plus vulnérables dans des zones plus défavorisées. Là, il va y avoir des activités dans des organismes communautaires pour justement faire en sorte de travailler à contrer la glissade de l’été, c’est-à-dire de la perte d’acquis pendant la période estivale.

Il y a tout un autre chantier qui s’adresse aux parents qu’on est en train de mettre en place pour rappeler aux parents quoi faire. Puis, donner des trucs sur comment faire. Il y a une page Facebook qui va être mis en place avec des activités quotidiennes qui vont déposer, des capsules, pour aider les parents à comprendre comment on peut faire ça simplement dans le quotidien, sans nécessairement viser un prof. C’est pas ça l’idée, c’est des activités ludiques. Fait que ça, c’est tout notre chantier « lecture ».

Et là, l’équipe qui est sur le chantier « lecture », les partenaires, parce que c’est un comité intersectoriel, on est en train de développer des actions plus spécifiques pour les ados, mais les ados pas seulement n’ont pas le goût de lire, mais qui en ont vraiment pas envie. [Rires.] Donc, on est en train de réfléchir. On fait des tests avec certaines maisons de jeunes. On questionne les gens. On cherche le moyen de pouvoir les amener à faire plus de lecture parce que c’est pas perdu, même si on commence plus tard, là. C’est toujours un travail qui est payant en bout de ligne, mais c’est sûr que la lecture, ça peut être ardu. On a pas toujours l’impression… Tu sais, on pense toujours à un livre, mais c’est pas que ça. Fait que c’est des efforts qu’on fait là pour la clientèle qui est ados.

L’autre grand chantier qu’on a, si j’y vais directement en lien avec les 2 orientations que je… pas les 2 orientations, mais enjeux majeurs qu’on avait au début, c’est tout que le lien avec ce qu’on appelle le développement des aspirations scolaires et professionnelles. Et le développement des aspirations scolaires et professionnelles vient d’un historique, d’un projet qu’on avait à la TRÉCQ, et qu’on a encore, qui s’appelait le Carrefour des professions d’avenir Centre-du-Québec. Ce projet-là, c’était dans un projet qui se réalisait sur 2 jours par année, où on présentait de façon interactive 75-70 professions pour lesquelles il y avait des besoins de main-d’œuvre dans la région. Puis, il y avait aussi des programmes de formation. L’objectif du Carrefour, c’était vraiment de faire découvrir… puis c’était en plus, on quitte la ville là, c’est de l’expérimentation concrète. C’est-à-dire que, sur place, soudage-montage, c’était avec des soudeuses, c’était avec des gens qui pratiquent le métier. Donc l’objectif de ces 2 jours-là, c’était vraiment faire découvrir des professions. Et avec les années, parce que tous les élèves de 4e secondaire avaient l’obligation et ont l’obligation de participer à ce carrefour-là chaque année… là, il a été suspendu pendant la pandémie, mais de façon même pas anecdotique, ce que les conseillers d’orientation des écoles nous partage, c’est qu’en participant au Carrefour, plusieurs jeunes ont là trouvé des professions pour lesquelles ils avaient jamais envisagé en faire une carrière ou aller dans le programme de formation. Des fois, ils connaissaient même pas ça, puis c’est au Carrefour qu’ils ont fait : « Oh, j’ai trouvé quelque chose à mon goût. J’ai trouvé mon grand déclic. » Alors, c’est à partir de cette expérience-là, avec la volonté des employeurs de faire plus d’implications que 2 jours/semaine, puis avec aussi un autre sondage qu’on a fait l’année passée sur les préjugés des parents vers la formation professionnelle et technique — où on s’est rendu compte qu’il y avait pas véritablement de préjugés majeurs, mais un besoin important de la part des parents d’avoir de l’information, d’être outillé pour accompagner leurs jeunes — fait que tout ça ensemble, nous a fait réfléchir et on a défini ce qu’on appelle notre stratégie du grand déclic. Le grand déclic, la stratégie c’est vraiment de faire un trait d’union. La TRÉCQ, tantôt je te dis que c’est un liant. Le grand déclic, c’est vraiment la démonstration du liant. Donc la TRÉCQ est le liant entre le milieu scolaire et les jeunes, puis les conseillers d’orientation qui sont des joueurs clés là-dedans. Donc le milieu de l’éducation avec les jeunes, les organismes d’employabilité pour les étudiants, les adultes en réorientation de carrière, mais aussi les parents et un élément hyper important, les employeurs. À travers ça, toute cette stratégie-là, la TRÉCQ permet à tout ce monde-là d’être lié pour valoriser les professions selon 2 volets importants : c’est-à-dire leur faire découvrir, c’est-à-dire, leur donner de l’information, leur présenter des capsules vidéo, leur faire voir les choses, leur rencontrer des mentors et explorer. Là, on a encore notre Carrefour qui va permettre d’essayer, tester, de jaser avec des gens qui pratiquent le métier, mais aussi des opportunités d’aller faire des stages d’exploration en entreprise, d’avoir des emplois d’été qui visent l’exploration. Donc, c’est ces 2 volets-là qu’on a mis en place pour Le grand déclic. La TRÉCQ, son rôle c’est vraiment lier tout ça. Ça, ça se retrouve, ça se concrétise sur la plateforme granddéclic.ca.

Donc nos 2 enjeux sont liés comme ça. Il y a plein d’autres projets qui se réalisent. Aussi, j’aurais pu te parler aussi de conciliation études-travail. J’aurais pu parler de plein de projets, mais il y a aussi un autre élément important qu’on fait à la TRÉCQ. Je l’ai dit d’entrée de jeu, les gens partent avec l’idée qu’on peut pas agir sur la réussite d’un jeune si on n’est pas un prof dans un milieu scolaire. Mais ça, on le travaille en faisant ce qu’on appelle la mobilisation de la sensibilisation. C’est quoi ? On met en évidence que, on essaie de faire comprendre aux gens, on travaille fort là-dessus, sur le rôle qui peuvent jouer. Ça, ça se fait annuellement, plus intensément, dans le cadre des Journées de la persévérance scolaire qui ont lieu en février. Ça se fait aussi dans le cadre de la Journée des finissants qu’il va y avoir prochainement, le 17 juin. Mais ça se fait aussi dans des rencontres avec les municipalités, dans des rencontres avec des organismes communautaires. Tu sais, c’est un message qu’on essaie de porter le plus largement possible pour qu’il y ait plus de monde qui s’implique. Dans le fond, le truc, c’est d’agir sur les déterminants. C’est ça qui font les organismes communautaires, entre autres. Donc, le fait de leur dire « Vous faites une différence quand vous agissez là-dessus, vous jouez un rôle même si vous êtes pas prof dans une école. », c’est toute une révélation. Ça veut dire qu’on a un pouvoir sur quelque chose.

Un autre élément sur lequel on travaille beaucoup, c’est une fois qu’on leur a dit « Vous pouvez faire quelque chose », ça fait « OK, mais quoi ? Comment ? Je sais pas. Je connais pas ça ». Nous, on a à la TRÉCQ une ressource en or qui s’appelle Dominique, et qui est là pour accompagner des organismes du milieu quand ils veulent mettre en place des projets. On a aussi du financement pour financer des projets liés aux déterminants, mais avec un objectif de persévérance scolaire. Ça prend toutes sortes de formes. Des fois, c’est en lecture. Ça, c’est le bout facile. Des fois, c’est la motivation. Je sais qu’on a fait à quelques reprises un projet de kickboxing à la Commission scolaire des Chênes avec le refuge de la Piaule, avec la Piaule maintenant. Bon, ben ça, c’est un projet qui sert à maintenir les jeunes à l’école. Ça leur donne une motivation d’être à l’école. Ça développe aussi toutes les compétences, les capacités par rapport à l’activité physique due au sport. Mais cet objectif-là vise vraiment garder les jeunes dans les — pas cet objectif-là, mais ce projet-là — vise vraiment à garder les jeunes à l’école. Ça donne une motivation supplémentaire pour être là. Puis, à travers le projet, les gens de la Piaule faisaient le lien entre « Les efforts que tu fais maintenant donnent des fruits. À l’école quand tu fais des efforts, ça donne aussi des feuilles ». Fait que tu vois qu’on peut prendre un prétexte pour l’accoler aussi à la persévérance scolaire. C’est le genre de projet qu’on fait.

L’autre élément qu’on fait aussi quand on veut accompagner… parce que je rappelle que nous, on n’agit pas directement auprès de la clientèle qu’on vise, mais ceux qui sont des interfaces. Donc, on est aussi là pour former les intervenants qui s’adressent aux jeunes. Depuis quelques années, on offre la formation « écriture simplifiée » qui est un gros gros, gros… j’allais dire un hit, mais c’est une formation qui est très très appréciée parce qu’elle nous permet… elle nous donne les outils, cette formation-là, pour être capable de mieux communiquer avec des gens qui sont faibles lecteurs. Donc, tantôt je réfère à la mère avec une faible scolarité. Quand, déjà, on est en plus pas capable comme organisme communautaire de bien joindre, de bien faire passer les messages à ce genre de clientèle là, faible lecteur — en passant quand même 53 % des gens au Québec qui sont analphabètes là, mais pas le plus haut niveau d’analphabétisme, mais quand même, — c’est important d’être capable de communiquer dans un langage simple, clair pour les rejoindre. Ça, c’est une formation qu’on donne. On fait à peu près 2, je pense que c’est 1 ou 2 fois par année, puis on est capable de faire 3-4 groupes à chaque fois-là. C’est très en demande, mais c’est une formation qui donne énormément d’outils pour être capable de rejoindre nos clientèles. Au même titre que celle-là, il y a des formations qu’on a données aussi sur les médias sociaux. Parce que, dans le cadre de la pandémie, ce qu’on s’est rendu compte, c’est « OK, on s’en va tout le monde sur le web, puis on espère que le monde va nous suivre », mais la réalité, c’est pas ça. Fait que, nous, on a donné des formations à quelques reprises pour justement être capable de bien utiliser les médias sociaux, pour être capable d’aller véritablement rejoindre les clientèles. Ça, ça fait partie de nos préoccupations. Si on veut que les gens puissent bien agir auprès de leur clientèle, faut avoir les bons outils en partant.

Ça, c’est à part toutes les informations et l’accompagnement qu’on peut faire sur les pratiques qui sont efficaces pour les différents déterminants qu’on a en main, avec énormément d’informations puis d’outils qu’on peut rendre disponibles et qui sont aussi disponibles sur le site de la Table régionale de l’éducation à trecq.ca. Donc, globalement, il y a plein d’autres choses qui se développent autour de ça. Mais quand on comprend le sens, on peut voir que sur le site de la TRÉCQ qu’on peut avoir accès à beaucoup d’information. Pour aujourd’hui, je limiterais ça à ces grands, grands groupes, donc ces grandes stratégies-là qui, quand même, expliquent assez bien ce qu’on fait comme rôle au régional.

Audrey Michel : Merci beaucoup pour ta réponse. Puis, je constate que, vraiment, ça bouillonne au Centre-du-Québec en matière de réussite éducative. Puis t’as nommé le site web, www.trecq.ca. Je vais mettre le lien dans les notes de l’épisode et je vais mettre également le lien vers votre page Facebook. Comme ça, si les gens veulent s’abonner et rester à l’affût lorsqu’il y aura des nouvelles annonces ou par exemple des nouvelles formations qui seront disponibles, bien les gens pourront retrouver l’information facilement. Donc, merci beaucoup. Puis, également, j’ai bien pris note de la page Facebook à venir pour les parents. Lorsqu’elle sera en ligne, ça nous fera plaisir également de partager l’information. On veut que ça voyage le plus possible.

Caroline Dion : Il y aura sur cette page-là une mine de trésors qui vont être partagés. L’équipe travaille fort là-dessus actuellement.

Audrey Michel : Super. Maintenant que j’ai posé la grosse question, je vais revenir à la question que j’étais censée te poser avant celle-là. Parce que je vois qu’il y a beaucoup d’actions qui sont entreprises au Centre-du-Québec, pour favoriser la persévérance scolaire, favoriser la réussite éducative. Mais c’est quoi le portrait de la réussite éducative au Centre-du-Québec ?

Caroline Dion : Le taux de diplomation est autour de la moyenne du Québec dans son évolution. Il est autour de la moyenne du Québec. De ce côté-là, on fait pas piètre figure. C’est pas du tout ça. Et il y a aussi ce qu’on regarde, le taux de décrochage. Il y a une différence entre les 2. Je prends 2 secondes pour vous l’expliquer, quand même, parce que c’est important. Le taux de diplomation, c’est à partir du moment où un jeune débute en secondaire un jusqu’à la fin de son parcours scolaire, c’est-à-dire à la 5e année, la 6e ou la 7e année de son secondaire, parce que certains vont prendre plus de temps. À partir de ça, on calcule un jeune au début, puis à la fin, est-ce qu’il a obtenu son diplôme ou pas ? Ça, c’est des cohortes, qu’on appelle, sur une longue période de 5, 6, 7 ans dans la même cohorte. Et ça, ça nous définit le taux de diplomation. Là-dessus, on est dans la moyenne du Québec. Pour la moyenne pour le taux de décrochage, maintenant, là, on est dans une lecture annuelle du décrochage. C’est-à-dire, un jeune qui est à l’école… on prend le nombre de jeunes sont à l’école. L’année suivante, est-ce que ces jeunes-là sont tous revenus ou pas après une année-là ? Je résume là. C’est une lecture annuelle comparativement au taux de diplomation que c’est toute sa période scolaire. C’est une lecture annuelle. Donc, ça peut être des jeunes qui ont décroché qui étaient rendus en secondaire 3, d’autres qui étaient rendus en secondaire 4. Donc, tu comprends que c’est une lecture annuelle. Donc, on ne peut pas additionner le taux de diplomation, puis le taux de décrochage, c’est pas la même chose. Au niveau du taux de décrochage, des fois on est en haut, des fois on est en bas. Ça dépend des années parce que, comme c’est une lecture annuelle, c’est pas quelque chose de constant qui a une tendance. Puis, il y a aussi les événements là. Actuellement, je suis pas en mesure de te dire à quel point la pandémie a eu un effet. On attend encore les données parce que ce sont des données qui sont pas encore disponibles. Du moins, pour nous, on les a pas. Mais on fait pas mal, là, autour de la moyenne du Québec.

Par contre, dans la situation du Centre-du-Québec, il y a 2 autres éléments importants qui nous préoccupent beaucoup plus actuellement. Tu vas pouvoir faire le lien avec certaines stratégies qu’on met en place actuellement. Et ces 2 éléments-là, c’est d’abord le nombre d’adultes sans diplôme au Centre-du-Québec. Donc, on lit au décrochage quand on parle de nombre d’adultes sans diplôme. Et au Centre-du-Québec, on se rend compte que le nombre d’adultes sans diplôme — là, c’est-à-dire qu’ils ont pas fait de formation professionnelle, n’ont pas de diplôme d’études secondaires, sont pas allés au collégial, bref — il est près de 5 à 6 points de pourcentage plus élevés que la moyenne du Québec. Ce qui s’explique pas parce qu’on n’est pas en région… tu sais, on n’est pas dans le nord du Québec, ça s’expliquerait, mais au Centre-du-Québec, ça s’explique pas. Outre peut-être par le fait que c’est une région qui est fortement manufacturière, pour lequel il y a beaucoup d’emplois qui demandent peu de qualification. Et c’est peut-être ça qui crée un retrait du milieu scolaire. J’y vais en pesant mes mots. Je suis dans les hypothèses, mais il y a un fait qui demeure : le nombre d’adultes sans diplôme est élevé au Centre-du-Québec. Ça, ça nous préoccupe. Encore plus dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre qu’on n’a pas les moyens de perdre personne. Vous savez, la pénurie de main-d’œuvre, c’est approfondi par tout le monde. Ce qu’on sait, c’est que dans les prochaines années, il y a beaucoup de travail qui se fait pour les changements de pratique. Tu sais, il y a beaucoup de recherches dans les changements de pratiques de travail, dans l’automatisation, dans l’intelligence artificielle. Ça va avoir un effet pour rabaisser le nombre d’emplois qui demandent peu de qualifications. Puis, en plus, on l’a vu avec la pandémie : les emplois qui ont beaucoup écopé, c’est ceux qui demandent peu de qualifications aussi. Tu sais, les commerces ont fermé, puis ferment encore. Il y a des faillites avec la crise économique qui s’installe là. Assurément là, il va y avoir un effet de ce côté-là. Donc on n’a pas les moyens de perdre aucun individu. Il faut faire les efforts pour amener le plus d’individus possible, non pas juste au secondaire 5, mais aller chercher une véritable profession. Et là, on comprend la stratégie du Grand déclic qui vise à faire connaître les professions qui a dans la région, à leur faire explorer, à faire des liens avec des employeurs de la région pour voir dans quel milieu de travail. Et tout ce qu’on vise avec ça, c’est de retenir les jeunes dans la région. Ben, pas juste ça, mais c’est quand même une conséquence hyper importante qui, on l’espère, dans quelques années, va répondre aux besoins des jeunes.

Le 2e élément qui nous préoccupe, c’est celui du nombre d’adultes diplômés en enseignement supérieur. Et là, on se retrouve en bout de course, là. Je sais pas si c’est 3e, avant-dernier, avant-dernier ou 3e avant la fin. J’ai pas le chiffre précis en tête. Ce que je sais, c’est qu’on est dans le bas de la liste. Et ça non plus, ça s’explique pas. Du moins, ça s’explique par le fait qu’on n’a pas beaucoup de professions, de formations — un peu plus depuis les dernières années avec l’arrivée du campus, là — mais on a pas beaucoup de professions universitaires dans la région. C’est démontrer aussi que l’offre de formation au niveau collégial, elle est moindre — et moi, des fois, je dis anémique — comparativement à d’autres régions à peu près de même grandeur. Ce qui fait que les jeunes sont obligés d’aller à l’extérieur pour étudier. Et souvent, quand on va étudier à l’extérieur, on va faire son stage, on va s’installer, on va se trouver une blonde dans ce coin-là. Puis, on va souvent pas revenir dans notre région d’origine. Fait que ça peut être aussi ça. Les emplois qui demandent des diplômes de formation professionnelle — ben, pas professionnel, parce qu’enseignement supérieur, c’est collégial et universitaire — mais ce type d’emploi là, comme on est une région fortement manufacturière, il y en a moins, mais il y en a. Fait que ça s’explique pas sur le pourquoi qu’on en a moins au Centre-du-Québec. Fait que ça aussi, ça nous préoccupe. Et là aussi, il y aura des stratégies à venir, qui sont en réflexion, pour encourager les jeunes à aller dans ce type de profession. Donc, des efforts pour éviter qu’on en perdre le moins possible et toute la stratégie de valorisation des professions pour les amener à s’intéresser à des programmes de formation, puis des professions pour lesquelles il y a des besoins importants. Et il y a un milieu de vie intéressant au Centre-du-Québec. Donc, c’est… tout ça est logique.

Audrey Michel : Absolument, ça fait bien du sens. Effectivement, quand je t’écoutais parler du nombre d’adultes sans diplôme au centre du Québec, puis que tu y allais avec ton hypothèse — quand même, qu’on met l’accent que c’est une hypothèse — que c’est une région manufacturière qui demande peut-être des emplois avec moins de qualifications, mais que là, ça tend à changer à cause de la pénurie de main-d’œuvre. Toute quand t’expliquais ça, je pensais à ce que tu venais de m’expliquer juste avant par rapport à la stratégie du Grand déclic. Donc, ça tombe absolument sous le sens. Puis moi, j’ai bien hâte de suivre la suite. Puis d’apprendre qu’est-ce qui se prépare pour l’autre enjeu que tu nous nommais, par rapport à la diplomation des adultes dans les études supérieures. Je comprends qu’il y a quelque chose qui se travaille, puis j’ai hâte quand il sera possible d’en savoir plus, d’en savoir plus.

Caroline Dion : On réfléchit. Notre action, c’est sûr que ça appartient aussi aux établissements là, parce que ceux qui offrent les programmes de formation, c’est important. Mais on a vraiment le souci de faire en sorte que, minimalement, les gens puissent y avoir accès, le connaissent et le reconnaissent. Puis qu’on les aime les programmes dans la région. Parce que moins on a de programmes, plus les gens vont à l’extérieur. Puis moins il y a de chance qu’ils reviennent. Fait que c’est un peu tout ça qui est lié. C’est pas un problème qui est simple. C’est pas un problème qui concerne seulement l’éducation. Je pense qu’il faut y réfléchir. Puis là, la TRÉCQ y réfléchit grandement seulement, mais surtout devant les enjeux majeurs qu’on connaît de pénurie de main-d’œuvre et qui iront pas en s’améliorant. [Inaudible] 10 ans.

Audrey Michel : Ça, effectivement, la pénurie de main-d’œuvre, c’est un enjeu qui est là pour rester. Donc, je suis sûre que vous allez avoir encore bien du pain sur la planche par rapport à cet enjeu-là dans les années à venir. Puis, on arrive à la fin de notre échange aujourd’hui, Caroline. Et pour conclure, j’aurais aimé te poser une question. Puisque bon, là, aujourd’hui, on a parlé de réussite éducative, mais nous, notre lunette au CRDS, c’est le développement social. Puis, le podcast, on essaie aussi d’avoir une lunette développement durable parce que le développement social c’est un des piliers du développement durable. Donc, pour terminer, je voudrais te demander : dans une perspective, justement, de développement social et de développement durable, pourquoi c’est important de favoriser la réussite éducative ?

Caroline Dion : La question qui pourrait faire l’objet d’une thèse de maîtrise. On sait que l’éducation, ça engendre de meilleures conditions. On sait que l’éducation, ça permet à un individu d’atteindre son plein potentiel. Ça engendre des citoyens engagés. Ça amène aussi une ouverture sur le monde. Ça amène une ouverture sur la différence, à mieux comprendre l’autre, à développer son sens critique. Tout ça, c’est un impact sur la collectivité. Si on a des gens qui sont plus éduqués, ça fait des gens qui se tiennent plus au courant, qui ont un esprit critique, qui vont mieux comprendre les situations complexes. On l’a vécu pendant la pandémie. On voyait des différences. Et une plus grande participation, une plus grande inclusion sociale, c’est reconnu.

Quelqu’un qui a pas de diplôme va systématiquement se retrouver avec 15 000 $ de moins de revenus annuels. 15 000 $ de moins de revenus annuellement, au Centre-du-Québec, ça veut dire qu’on tombe en bas du seuil de pauvreté. C’est important. Donc, c’est des gens qui vont être plus malades. C’est des gens qu’on va retrouver plus en milieu carcéral. C’est des gens qui vont être plus souvent sur le chômage. Et tu sais, y a des effets sociaux à ne pas avoir de diplôme, à ne pas avoir une qualification. Fait que ça, faut en tenir compte. Fait que c’est non seulement on améliore notre qualité de vie et on développe notre plein potentiel de chacun, mais on règle aussi des problématiques à la base en travaillant sur les conditions globales d’un individu. Celui-là, faut pas l’oublier, il va devenir un citoyen, un travailleur et possiblement un parent qui va répéter des choses avec ses enfants.

Donc, si tu me demandes ce que ça vaut, le coup d’investir en éducation et de faire des efforts pour la réussite éducative, je pense que la réponse est évidente. Si oui, parce que je pense que par l’éducation, on a fort potentiel de régler une bonne partie de problèmes sociaux. C’est pas une règle magique, mais c’est une bonne solution selon moi.

Audrey Michel : Sur ces sages paroles, Caroline, je te remercie énormément d’avoir pris le temps de discuter avec moi aujourd’hui. J’espère que les auditrices et auditeurs apprécieront autant que moi l’échange qu’on a eu aujourd’hui. Et comme je le disais tout à l’heure, je vais mettre les liens vers le site web, la page Facebook, etc., dans les notes de l’épisode. Donc encore une fois merci beaucoup Caroline et à la prochaine.

Caroline Dion : Merci Audrey.